Live fast and die young •• Pan'

Je lève les mains au ciel, tenant Freddie à bout de bras. La foule hurle nos noms, et un grand sourire s'affiche sur mon visage. J'suis trempé, mort de fatigue, mais l'électricité ambiante me galvanise. J'pourrais tenir encore trois jours de suite, à jouer, jouer, jouer, encore et toujours. Je jette un regard à Ismaël, Isis et Mika'. Tous ont l'air aussi satisfait que moi, et mon sourire redouble de puissance. J'ai l'impression d'afficher un sourire Colgate, comme on voit dans les publicités, avec de jolies blondes qui affichent des dents détartrées à fond pour faire croire au pouvoir blanchissant du dentifrice. J'suis sûr que j'illumine la salle, toutes dents dehors. Genre, boule à facette, ambiance disco', pantalon pat' d'eph', The Bee-Gees come back ! J'me fend la poire tout seul, en imaginant notre groupe de deathcore dans des pantalons étriqués. Surtout Ismaël. Ouais, putain, lui il serait trop dans l'ambiance ! J'rigole encore plus. Allez, ce soir, on se trouve une boîte bien sympathique, bourrée de gays, qui passe Boney M à s'en crever les tympans et on danse ! Lentement, j'commence à sortir de la scène. Putain, cette tension dans l'air me rend dingue, me rend fou ! J'adore ça, c'est chimiquement chimique ! Rien de meilleur que de monter sur scène soir après soir, d'enflammer les foules, de faire vibrer les cordes de ma Freddie chérie. Les autres m'emboîtent le pas, et on se retrouve en coulisses. Je me jette sur Isis et l'embrasse, la soulevant de terre. Elle éclate de rire, entre nos lèvres soudées. Toi aussi, la musique t'as transportée ? Du coin de l'oeil, je vois le visage un peu jaloux de Mika', son sourire triste et fatigué. Attends moi bébé. Je lâche la petite brunette et viens câliner Mihaël. Il affiche une tête de mort vivant quand je passe mes bras autour de son cou, mais semble s'illuminer quand je viens déposer un baiser au coin de ses lèvres. Pauvre chaton. Tu me trouves cruel de jouer ainsi avec vous deux ? Et si je te disais que je n'arrive pas à choisir ? Que je n'arrive pas à faire une croix sur l'un ou l'autre ? Tu compatirais ? Ou tu continuerais de me juger, inconsciemment ? De me trouver bête et méchant ? Dis moi, je suis perdu, je me suis déjà tellement perdu dans le labyrinthe de mon coeur, que je ne sais plus quoi penser. Plus rien du tout, c'est juste un gros vide dans ma tête, dans ma petite tête de petit con...

La solitude. Qui est l'imbécile qui a pu dire d'elle qu'elle était pesante ? Pour moi, elle n'a jamais été qu'une compagne supplémentaire. Toujours là, toujours présente, même dans les soirées bondées, même pendant les concerts. C'est juste un grand état d'esprit; la solitude, elle t'habite, elle se love dans chaque recoin de ton esprit, tu t'en imprègne, et impossible de s'en défaire. Malgré tout, elle ne me pèse pas, elle n'est pas un poids mort que je traîne partout avec moi. Parfois, je parle seul, les gens me croient fou, en réalité je ne fais que converser avec ma solitude, ma meilleure amie. Personne ne peut comprendre. J'écarte mes bras, m'emmêlant un peu trop vite dans les couvertures. Il fait noir, dehors. C'est la nuit, il est très tard. Ou alors c'est le matin, très tôt. Je perds peu à peu la notion du temps qui passe. Je ne me fie à rien d'autre qu'au nombre de cigarettes dans mon paquet. Je sais qu'il me fait deux jours pour en terminer un. Deux jours, quand je ne stresse pas. Donc autant dire qu'il m'en faut un par journée. Une semaine, c'est sept paquets, un mois, c'est environ une trentaine de paquets. Un an, c'est 52 paquets. Une vie, c'est... Je coupe court à mes pensées, l'idée de transformer ma vie en paquets de cigarettes m'a un peu refroidi. D'une main, je cherche lesdites cigarettes à côté de mon oreiller, dans l'obscurité. Je n'y vois rien, et impossible d'allumer la lumière, la peur de réveiller mes amis. Enfin, je le trouve, pour constater qu'il ne reste à l'intérieur qu'une malheureuse clope. Je m'en empare, ainsi que de mon briquet, et me dirige à l'extérieur de notre caravane de tournée. J'ouvre la porte, en short et débardeur, et le froid me cueille, vivifiant, me fait me sentir vivant. Je frissonne vaguement, dans mon accoutrement. Évidemment, personne pour me dire que les nuits sont fraîches, par ici. J'éternue, une fois ou deux, et galère quelques instants avant de réussir à embraser mon poison. Le vent me renvoi en plein visage ma fumée, qui me pique les yeux. Je ferme la porte derrière moi, et m'éloigne, pieds nus, me poser un peu plus loin. Il n'y a pas un bruit, pas une lumière. Je pourrais me croire seul dans l'univers. A nouveau, je m'allonge, écarte mes bras. Je ferme les yeux, continu de tirer sur ma cigarette. Et je reste là, avec ma solitude, à écouter le silence, à voir le néant, à sentir l'inexistant.